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L’explication de cette énigme, on la trouverait assez facilement dans la condition toute particulière qui était faite aux peintres de cette époque. Généralement attachés à quelque puissant seigneur, vivant dans les cours fastueuses de princes amis des arts, les peintres abdiquent en quelque sorte leur personnalité en même temps que leur indépendance. Ils sont appointés, défrayés, à l’abri du besoin, mais, quelque enviable qu’il paraisse, leur sort est l’ennemi de leur propre gloire. Ils vivent à la cour de leur protecteur, mais ils n’y figurent que comme de minces personnages; quel que soit leur génie, ils y jouent un rôle subalterne et ne s’égalent jamais aux gentilshommes ignorants et brutaux de l’entourage princier. On leur témoigne des égards, on apprécie leur mérite, et rien de plus; ils ne sortiront pas de la classe inférieure où les relègue leur naissance.
Pour comble de malechance, il ne leur reste plus aucun point de contact avec les roturiers dont ils se sont éloignés. Le peuple ne les connaît pas, ou, s’il les connaît, ils les assimile à cette noblesse détestée qui le pressure; leurs œuvres, quand il les voit, ne peuvent rien pour leur réputation, car elles n’éveillent que de vagues sentiments dans l’âme fruste et primitive des paysans. Connus des grands mais dédaignés d’eux, ignorés du vulgaire, leur existence reste anonyme et leur mémoire, après quelques générations, s’enveloppe d’obscurité. Egalement anonyme est leur labeur: travaillant pour le compte et sous les ordres de leur patron, ils n’affirment pas leur personnalité en signant leurs toiles; elles ne lui appartiennent pas. C’est pour cela que la plupart des œuvres de cette époque ne portent pas de signature et déroutent aujourd’hui la perspicacité des critiques.