Читать книгу Lettres de Sidy-Mahmoud à son ami Hassan онлайн

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Quand je fus près du rivage, j’aperçus, avec une sorte d’effroi, la foule rassemblée pour me voir débarquer. Heureusement on me conduisit à un établissement assez éloigné, appelé lazareth, où ces chrétiens font séjourner les voyageurs dans la crainte de la peste; comme si ceux à qui le ciel a résolu d’envoyer ses fléaux pouvaient les éviter par de vaines précautions! comme si ces précautions n’étaient pas complètement inutiles pour ceux qu’Allah regarde sans colère!

Entré dans le lazareth, je me félicitais d’échapper aux regards, peut-être aux insultes de ce peuple en qui je croyais trouver des senti mens hostiles. Je me trompais, cher Hassan, et le lendemain mon erreur fut dissipée. A peine étais-je reposé des fatigues du voyage, qu’on m’avertit qu’une députation des principaux de la ville allait se rendre près de moi. Je l’attendis avec quelque trouble, pensant que peut-être elle venait m’enjoindre de remonter sur mon navire. Je vis bientôt s’approcher une douzaine d’individus qui la composaient. J’étais peu habitué au costume européen, et je ne pouvais regarder sans surprise ces habits étroits et mesquins sous lesquels l’homme n’a plus ni grâce, ni dignité. Quelques-uns d’entre eux avaient les cheveux arrangés d’une manière bizarre et couverts d’une poudre blanche. Leur cou, emprisonné dans un collier de toile, achevait d’ôter toute noblesse à leur physionomie. Néanmoins, à la manière dont ils relevaient leurs têtes, je m’aperçus qu’ils croyaient présenter un spectacle très-majestueux. Je réprimai un sourire involontaire qui errait sur mes lèvres; et, m’étant mis sur mon séant, j’attendis avec calme ce qu’ils allaient me dire. Après m’avoir salué d’une manière assez humble, celui qui était à leur tête tira de sa poche un morceau de papier, et lut un discours qu’Abdul, mon interprète, me transmettait phrase par phrase. Contre mon attente, le langage de ces hommes n’avait rien d’âpre ni de fier. Ils me dirent que le prince qui m’envoyait avait toujours été l’ami fidèle de la France. Jamais, ajoutèrent-ils, elle n’a plus apprécié son attachement pour elle, que lorsqu’il vient prendre part à sa joie dans l’heureux avènement d’un souverain qu’elle chérit. Ils finirent en m’assurant qu’ils s’estimaient heureux de remplir la volonté du Roi, en rendant ce qui était dû à l’honorable mission pour laquelle mon excellence avait été dignement choisie, et au prince qui me lavait confiée. Que ces paroles résonnaient agréablement à mon oreille! Comme elles dissipaient toutes ces vaines alarmes qu’une prévoyance exagérée nous avait fait concevoir! Les magistrats d’un pays redevenu le plus catholique de l’Europe, se félicitaient de rendre ce qui est dû à l’envoyé d’un prince musulman de quatrième classe! Ils m’assuraient qu’un monarque puissant, qui compte parmi ses titres celui de fils aîné de l’Église, s’applaudissait d’avoir pour ami fidèle le Bey de Tunis! Ma joie était si vive, que je faillis la laisser éclater par des paroles de gratitude et des démonstrations affectueuses; mais je me rappelai promptement ce que je devais à ma dignité, et je me contentai de leur faire savoir en peu de mots que j’étais satisfait des sentimens qu’ils m’exprimaient.

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