Читать книгу Gesammelte Aufsätze zur romanischen Philologie – Studienausgabe. Herausgegeben und ergänzt um Aufsätze, Primärbibliographie und Nachwort von Matthias Bormuth und Martin Vialon онлайн

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Il raconte dans ses Confessions (III, 5) comment tout d’abord il a commencé à lire les Saintes Écritures sans être capable de les comprendre : il n’était pas encore fait pour entrer dans leur sens ni pour suivre leur pas, car elles lui semblaient trop au-dessous de la dignité cicéronienne. Il n’avait pas encore compris, dit-il, que leur apparence extérieure était humble, mais leur contenu sublime et voilé de mystère (rem … incessu humilem, successu excelsam et velatam mysteriis) ; qu’il fallait les lire comme un petit enfant, et qu’elles «grandissaient avec les enfants». Plus tard il comprend : eoque mihi illa venerabilior et sacrosancta fide dignior apparebat auctoritas, quo et omnibus ad legendum esset in promptu, et secreti sui dignitatem in intellectu profundiore servaret : verbis apertissimis et humillimo genere loquendi se cunctis praebens, et exercens intentionem eorum qui non sunt leves corde ; ut exciperet omnes populari sinu, et per angusta foramina paucos ad se traiceret ; multo tamen plures quam si non tanto apice auctoritatis emineret, nec turbas gremio sanctae humilitatis hauriret (ibid., VI, 5). Dans ces passages, il s’agit surtout du contraste entre le style humble qui se prête aux plus simples et les mystères sublimes qui y sont cachés ; des mystères qui ne se révèlent qu’à peu de gens ; non pas aux érudits et aux orgueilleux, mais à ceux qui nont sunt leves corde, tout simples qu’ils sont. On trouve cette idée un peu partout dans l’ouvre de saint AugustinAugustinus, par exemple dans le premier chapitre De Trinitate : Sacra scriptura parvulis congruens nullius generis rerum verba vitavit, ex quibus quasi gradatim ad divina atque sublimia noster intellectus velut nutritus assurgeret ; au second livre De Doctrina christiana, où il parle de la Scripturarum mirabili altitudine et mirabili humilitate ; plusieurs fois quand il parle du langage de la Genèse ; et assez longuement dans une lettre à Volusien (CXXXVII, 18). Dans ce dernier passage, il dit notamment que même les mystères les plus profonds ne sont pas exprimés, dans l’Écriture sainte, par un langage «superbe» : ea vero quae in mysteriis occultat, nec ipsa eloquio superbo erigit, quo non audeat accedere mens tardiuscula et inerudita quasi pauper ad divitem ; sed invitat omnes humili sermone, quos non solum manifesta pascat, sed etiam secreta exerceat veritate, hoc in promptis quod in reconditis habens. Donc, dans tous ces passages, il s’agit d’une synthèse entre l’humble et le sublime, réalisée par l’Écriture sainte ; toutefois, le humile y signifie plutôt la simplicité de l’élocution que le réalisme, et le sublime ou altum plutôt la profondeur des mystères que le sublime poétique. Mais un mot tel que humilishumilis (parfois il emploie abiectus) qui exprime en même temps l’humilité du cœur chrétien, la bassesse de la position sociale et la simplicité populaire du style4 amenait facilement la notion du réalisme, d’autant plus qu’il s’employait couramment pour désigner le bas peuple par opposition aux classes élevées, les pauvres par opposition aux riches. La vie du Christ, du Verbe incarné, modèle de vie et de mort saintes et sublimes, s’était passée elle aussi, comme une vie ordinaire ou les scènes d’une comédie, parmi les humiles personae qui avaient été ses premiers disciples. Saint AugustinAugustinus parle souvent de ces imperitissimi et abiectissimi, de ces piscatores et publicani que le Seigneur a élus avant tous les autres, et il explique pourquoi il a agi ainsi.5 Il y insiste d’autant plus qu’il sait que les païens érudits se moquent du sermo piscatoriussermo piscatorius des Évangiles. Mais ce n’est pas seulement l’entourage du Christ, c’est lui-même, son sort sur la terre qui exprime l’antithèse entre l’humble et le sublime dans sa forme la plus aiguë et la plus passionnante – et alors, il ne s’agit plus de l’élocution, mais des faits. Parmi les nombreux passages où saint Augustin fait ressortir le paradoxe du sacrifice de Jésus-Christ, je n’en citerai qu’un seul qui se trouve dans les Enarrationes in Psalmos, XCVI, 4 : Ille qui stetit ante iudicem, ille qui alapas accepit, ille qui flagellatus est, ille qui consputus est, ille qui spinis coronatus est, ille qui colaphis caesus est, ille qui in ligna suspensus est, ille cui pendenti in ligna insultatum est, ille qui in cruce mortuus est, ille qui lancea percussus est, ille qui sepultus est, ipse resurrexit : Dominus regnavit. Saeviant quantum possunt regna ; quid sunt factura Regi regnorum, Domino omnium regnorum, Creatori omnium saeculorum ? On dira peut-être qu’un tel passage ne fait que résumer le récit de la Passion, et qu’il ne contient que des choses connues par les Évangiles et par les lettres de saint Paul qui a exprimé la même idée plusieurs fois, par exemple Phil. II, 7–11. Mais ni les Évangiles ni saint Paul n’ont aussi puissamment relevé l’antithèse entre le bas réalisme de l’humiliation et la grandeur surhumaine qui s’unissent ici ; pour la sentir dans toute sa force il fallait un homme formé aux idées classiques de la séparation des styles qui n’admettaient pas de réalisme dans le sublime ni d’humiliation corporelle chez le héros de la tragédie. Il est vrai que l’idée du sublime tragique avait subi chez quelques groupes de poètes et de théoriciens des restrictions et des modifications ; mais elles ne sont nullement comparables à la violence de l’humiliation réaliste qu’offrent la vie et la passion du Christ. Saint AugustinAugustinus a senti que l’humilitas de l’Évangile est en même temps une forme toute nouvelle du sublime : une forme qui lui semblait, s’il la comparait aux conceptions de ses contemporains païens, plus profonde, plus vraie, plus substantielle ; elle aussi, tout comme l’Évangile dans lequel elle est contenue, excipit omnes populari sinu, et non seulement tous les hommes sans égard à leur position sociale, mais toute leur vie basse et quotidienne. La conception de l’homme, de ce qui en lui peut être admirable et digne d’imitation, se modifiait profondément ; Jésus-Christ devient le modèle à suivre, et c’est en imitant son humilité qu’on peut approcher de sa majesté ; c’est par l’humilité qu’il a atteint lui-même le comble de la majesté, en s’incarnant non pas dans un roi de la terre, mais dans un personnage vil et méprisé.

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