Читать книгу Gesammelte Aufsätze zur romanischen Philologie – Studienausgabe. Herausgegeben und ergänzt um Aufsätze, Primärbibliographie und Nachwort von Matthias Bormuth und Martin Vialon онлайн

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DanteDante lui-même, quand il parle de sa Comédie dont le sujet est des plus sublimes – le sort des âmes après la mort, la justice de Dieu révélée – s’exprime parfois d’une manière qui rappelle l’idée de son commentateur Benvenuto ; pour désigner son poème, il se sert du mot commedia, tandis qu’en parlant de l’Énéide il dit à Virgile : l’alta tua tragedia. Dans un passage souvent cité de la lettre à Cangrande, il explique ce choix du titre par deux considérations : c’est une comédie d’abord parce que la fin en est heureuse, et ensuite parce que son style est bas et humble: remissus est modus et humilishumilis, quia locutio vulgaris in qua et mulierculae comunicant. De prime abord il peut sembler que la seconde considération ne se rapporte qu’à l’emploi de la langue italienne ; mais ce n’est pas ainsi qu’il faut comprendre, car DanteDante lui-même a créé le style sublime en langue italienne, autant dans la théorie du De Vulgari Eloquentia que dans la pratique des grandes Canzoni ; c’est lui précisément qui a créé l’idée du Vulgare illustrevulgare illustre et qui est le fondateur de ce qu’on appelle l’humanisme en langue vulgaire. Donc il est loin de regarder chaque œuvre comme étant de style bas du seul fait qu’elle est écrite en langue maternelle et non en latin. Les paroles sur le style bas et humble de la Divine Comédie ne se rapportent pas à l’emploi de la langue italienne, mais bien au choix des mots bas et au réalisme fort poussé dans beaucoup de parties du poème3 – deux choses qui lui semblaient incompatibles avec le genre sublime et tragique tel qu’il l’avait conçu en étudiant la théorie des anciens. Toutefois il se rend compte que son poème dépasse les bornes du style bas. Dans ce même passage de la lettre à Cangrande dont nous parlons, il cite les vers de l’Art poétique d’HoraceHoraz qui permettent au poète comique d’employer parfois le style tragique et vice versa – sans doute pour nous dire qu’il a fait usage de cette faculté. Mais il y a bien plus : DanteDante sait que son style comme son sujet sont des plus sublimes. Inutile d’énumérer ici tous les passages qui en témoignent. Notons seulement qu’il appelle deux fois sa Comédie «poème sacré», qu’il aspire au laurier des plus grands poètes, que Virgile est son modèle, qu’il traite de la matière la plus haute qui existe, à laquelle les forces humaines suffisent à peine et que personne avant lui n’a essayée, qu’il implore l’inspiration des Muses, d’Apollon et enfin de Dieu lui-même. Le poème sacré, al qual ha posto mono e cielo e terra, n’est pas une œuvre du style bas, et son auteur le sait, malgré le titre et les explications qu’il en donne. Ce n’est pas non plus un poème du style sublime dans l’acception antique ; il y a trop de réalisme, trop de vie concrète, trop de biotikon, comme disaient les théoriciens grecs : autant dans les paroles que dans les faits, et non seulement chez les habitants de l’Enfer, mais aussi au Purgatoire, souvent même dans le Paradis. Donc si c’est du sublime, c’est un sublime d’un autre genre que celui de l’antiquité, un sublime qui contient et comprend le bas et le biotikon ; DanteDante l’a bien vu, quoiqu’il ait éprouvé des difficultés à s’exprimer nettement sur ce problème. Benvenuto da Imola l’a compris quand il dit, à la fin de son introduction : unde si quis velit subtiliter investigare, hic est tragoedia, satyra et comoedia. Et les Romantiques du XIXe siècle s’en sont inspirés, toutefois d’une manière un peu superficielle ; car c’est bien plus que de mêler le «grotesque» au sublime.

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