Читать книгу Gesammelte Aufsätze zur romanischen Philologie – Studienausgabe. Herausgegeben und ergänzt um Aufsätze, Primärbibliographie und Nachwort von Matthias Bormuth und Martin Vialon онлайн

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Mais ils ne voulaient ni ne pouvaient changer le fond même de leur croyance ; et c’était ce fond, l’histoire du Christ sur la terre, qui amenait la révolution profonde dans la conception du sublime et l’irruption de l’humilité réaliste. Les tendances à cacher ou à affaiblir l’humilité et le réalisme de cette vie et surtout de la Passion n’ont pas eu de succès durable dans l’Église d’Occident. Mais il en est résulté une transformation totale dans la manière de voir et de juger les hommes, les faits et les objets ; transformation qui leur donne une signification et une dignité toutes nouvelles. Pour mieux expliquer ce que je veux dire, je citerai encore un passage de saint Augustin qui me semble particulièrement instructif. Au quatrième livre du traité De Doctrina christiana, il consacre plusieurs chapitres à l’étude des trois genres de l’éloquence traditionnelle, qu’il appelle grande, temperatum et submissum. Il veut montrer qu’on en trouve des exemples dans les lettres de saint Paul et chez les Pères antérieurs à lui-même ; il donne des conseils tendant à utiliser la doctrine de l’échelle pour l’éloquence chrétienne. Ces chapitres trahissent la profonde influence que l’éducation classique et oratoire a toujours gardée dans son esprit ; c’est sur ce modèle qu’il veut former et développer l’art du sei mon. Donc, dans le domaine de l’éloquence, il est loin d’être consciemment révolutionnaire. Mais néanmoins la profonde divergence entre l’esprit chrétien et l’esprit de la séparation des genres éclate dès les premières paroles. Après avoir dit que pour Cicéron et les orateurs profanes les petits sujets qu’on doit traiter dans le style bas sont ceux qui concernent les intérêts d’argent, et les grands ceux qui agitent la vie et la mort des hommes, il explique que dans l’éloquence chrétienne tous les sujets sont grands ; car (l.c., chap. 18) «lorsque nous nous adressons au peuple du haut de la chaire, il s’agit toujours du salut des hommes, non seulement de leur salut temporel, mais de l’éternel – il s’agit toujours de les sauver de la perdition éternelle. Tout est grand de ce que nous disons alors, même les intérêts d’argent, quelle que soit l’importance de la somme : neque enim parva est iustitia quam profecto et in parva pecunia custodire debemus …» Et il cite le passage 1 Cor. 6, 1, où saint Paul parle des différends d’ordre matériel qui avaient surgi parmi les Corinthiens : «Pourquoi cette indignation de l’apôtre, ces reproches, ces menaces ? Pourquoi fait-il éclater les sentiments de son âme dans un élan brusque et passionné ? Pourquoi, en un mot, parle-t-il si majestueusement de très petites choses ? Est-ce que les affaires du monde méritent tant d’intérêt ? Non, certes. Mais il le fait pour la justice, la charité, la piété qui sont toujours grandes, même dans les affaires les plus petites ; aucune personne raisonnable n’en peut douter … Partout où l’on parle de ce qui peut nous préserver des peines éternelles et nous conduire à l’éternelle béatitude, soit en public soit en particulier, à un seul ou à plusieurs, à des amis ou à des ennemis, dans un discours suivi ou dans une discussion, dans les traités, les livres, les lettres longues ou brèves, c’est toujours un grand sujet. Un verre d’eau froide est une chose petite et vile ; mais est-ce que Dieu dit quelque chose de petit et de vil, minimum aliquid atque vilissimum, quand il promet que celui qui le donnera au dernier de ses serviteurs ne perdra pas sa récompense ? Et quand un orateur instruit en parle dans son sermon, doit-il croire qu’il traite de quelque chose de petit, et qu’ainsi il doive se servir non du style tempéré ni du style sublime, mais du style bas ? Ne nous est-il pas arrivé qu’en parlant sur cette matière au peuple, quand Dieu était avec nos paroles, quelque chose comme une flamme jaillissait de cette eau froide, entraînant les cœurs froids des hommes aux œuvres de la miséricorde par l’espoir de la récompense céleste ?»

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