Читать книгу Mercados del lujo, mercados del arte. El gusto de las elites mediterráneas en los siglos CIV y XV онлайн

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C’est cette dimension que Gilles Lipovetsky qualifie de «luxe éternel». Tout en étant éternel, le luxe a une histoire et cette dimension a revêtu diverses configurations au cours du temps. Même les économies dites de subsistance connaissent ce goût dépravé du gaspillage. En effet, aussi loin que nous remontions, même dans la préhistoire, il y a du luxe. L’esprit du luxe –c’est-à-dire l’esprit de dépense–commence avant même l’objet de luxe. Ces pratiques somptuaires n’ont rien de gratuit. Elles obéissent, dans les sociétés primitives, à une nécessité profonde. Nécessité sociale, tout d’abord, puisqu’il s’agit, par l’échange de cadeaux, de gagner honneurs et titres, d’assurer les liens communautaires, de substituer l’alliance à l’hostilité; nécessité cosmique, ensuite, dans la mesure où le don rituel et la prodigalité festive permettent de restaurer le lien avec les forces de l’invisible, avec l’esprit des morts.

Contre un certain matérialisme, il faut poser la religion comme l’une des conditions d’apparition du luxe. Une deuxième époque débute avec l’apparition de l’État et la hiérarchisation qu’il institue aussi bien entre les individus –les riches et les pauvres, les puissants et les dépendants–qu’entre les ordres du réel –l’ici-bas et l’au-delà. Des distinctions visibles s’établissent dans les modes de vie, de s’habiller et même de mourir. Le luxe exprime ainsi «le cosmos de l’inégalité», qu’elle soit humaine ou divine.

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