Читать книгу Notice historique sur la commune de Gemozac. D'après les mémoires du curé de Pouzaux et d'autres manuscrits онлайн
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Au goût, le Gemozacais était un petit peu âpre, peut-être: caché, défiant, concentré en soi et pour soi, partant volontiers, mais sans rien. dire, routinier, de peur d’être dupe, économe jusqu’à l’avarice; car alors il en avait be soin. Récemment affranchi de la glèbe, il traînait encore les vices du serf, l’exigence contre le faible, la souplesse extrême devant le fort, et il prenait souvent pour la dignité une fierté jalouse et mal entendue. L’éducation de toute une classe d’hommes ne se fait certes pas en un jour, et il reste bien encore quelques vestiges de l’ancien état de choses.
Il en reste plus que de l’ancienne gaîté, qui, à vrai dire, n’était guère que l’étourdissement d’une misère à laquelle les pauvres de l’ancien régime se sentaient condamnés sans ressource; ils se prenaient à jouer avec leur dégradation. Ainsi, à Gemozac, il y avait des ivrognes célèbres, dont c’était là, pour ainsi dire, la profession et la notoriété. On citait, par exemple, un certain Jacques Tesson, et ajouterai-je un dragon Mesnard, mon parrain, qui est mort trop tôt pour pouvoir me donner des leçons de ce genre? C’étaient des plus honnêtes gens du bourg, mais de rudes buveurs, d’autant plus qu’il y avait peu de vin. Jacques Tesson allait souvent à Saintes et faisait volontiers sa méridienne à mi-chemin, au beau milieu de la plaine de Thenac, sa précieuse tête reposée sur une antique borne que son poids et le temps avaient presque toute enfoncée dans la terre et creusée à l’extrémité de manière à ce que l’eau y séjournait. On appelait cela autrefois la pierre qui saute, vu, qu’à midi précis, mais si précis qu’on le manquait toujours, elle ne manquait pas, elle, de danser un branle sur les trésors que couvrait sa base; les bienheureuses stations de notre Gemozacais firent débaptiser cette pierre et lui valurent un nom plus juste, celui de Bénitier de Jacques Tesson.